Le géant américain estime avoir trouvé un procédé "ingénieux mais licite" pour se conformer à une vieille réglementation.
Article issu de La Libre le 08/01/2019.
Les remous continuent dans la saga "Uber à Bruxelles". Le mois dernier, une juge du tribunal de commerce de Bruxelles, de l'aile néerlandophone, a rendu un arrêt qui a fait beaucoup de bruit. En résumé, le texte dit: sous quelque dénomination que ce soit, Uber ne peut pas effectuer des courses de taxis dans la capitale. Ce jugement visait à clarifier une position prise par la même juge en 2015 et qui avait abouti à l'interdiction d'Uberpop, la première application du géant californien.
Selon la juge, aucun service d'Uber, et donc également d'Uber X qui fait appel à des chauffeurs professionnels, ne peut exercer d'activités de taxis dans la capitale. Mais, même si les Taxis verts, plaignants dans cette affaire, crient à la victoire, le dossier doit encore passer devant le juge de saisies au degré d'appel.
Ce dernier doit trancher sur une question laissée sans réponse par la juge du tribunal de commerce : Uber X exerce-t-il ou non des activités de taxis ? Si c'est le cas, l'application sera interdite.
"C'est un cas compliqué, mais il est faux de dire qu'Uber est illégal"; explique Fernando Redondo, président de l'association belge des chauffeurs de limousine et lui-même conducteur pour Uber. "On doit encore attendre ce jugement d'appel et celui du tribunal de commerce de Bruxelles de l'aile francophone. Tant que ces décisions ne sont pas tombées, nous continuons nos activités. La réglementation est floue, ce qui permet à Uber d'être légal pour le moment."
Et l'homme de s'emporter : "Le lobby des taxis raconte n'importe quoi en prétendant que nous sommes un service de taxis, alors que nous sommes un service de limousines, comme l'a reconnu l'administration bruxelloise. On ne peut appliquer la maraude, nous n'avons pas d'emplacements spécifiques et ne pouvons pas rouler dans la bande des bus", développe M. Redondo. "Les taxis ont eu le monopole pendant quarante ans et ils viennent nous faire la leçon alors que c'est le secteur où il y a le plus de travail au noir. Tous les gens qui prennent des Uber, sont des personnes dégoûtées à vie des taximen. Nous éliminer et garder ce lobby des taxis sera néfaste pour la mobilité à Bruxelles."
La grande question à laquelle devrait répondre la justice est donc la suivante : si Uber ne fait pas des courses de taxis, applique-t-il la réglementation bruxelloise des voitures de location avec chauffeur, dite réglementation "limousine" ?
Non, d'après les Taxis verts qui mettent en avant certains points précis de ce règlement : la location doit se faire pour un minimum de trois heures via un contrat écrit; le montant est de minimum 30 euros par heure ; un véhicule ne peut pas rester sur la voie publique après une location...
Oui, d'après Uber, qui a trouvé un procédé, "certes ingénieux mais licite", dixit Me Tondreau, l'un des avocats de la société américaine, pour se conformer à cette vieille réglementation datant de 1995 et donc d'avant l'arrivée d'Internet.
Le contrat de location ? "Il est signé par voie électronique et à distance entre les partenaires indépendants de Uber - des chauffeurs qui ont tous une licence d'exploitation - et une association de droit néerlandais regroupant tous les utilisateurs d'Uber X en Belgique, précise Me Tondreau. Quand vous vous inscrivez sur le site d'Uber, vous devenez automatiquement membre de cette association. Si vous n'êtes pas membre, vous ne pouvez pas commander de courses."
Dès que les véhicules avec chauffeur d'Uber sont connectés sur la plateforme, ils sont considérés comme "étant en location" et "peuvent donc rester sur la voie publique en attendant une commande."
La durée légale de trois heures de location ? La loi ne dit pas, d'après Me Trondreau, si ces trois heures doivent être consécutives ou non. "Selon l'administration bruxelloise, cette période de trois heures peut être interrompue. C'est notamment ce qui est appliqué dans le secteur hôtelier. Quant aux tarifs de trente euros minimum par heure, ils sont respectés dans les faits."
Conclusion ? "Uber n'a pas de souci à se faire, analyse l'avocat. D'ailleurs, le ministre Pascal Smet (SP.A) a répété à plusieurs reprises que la plateforme était légale."